L'hôtel abandonné

Il est situé quelque peu à l’écart de la ville, non loin du repère des toxicomanes et de l’usine désaffectée.
De l’extérieur, un vieux néon pend lamentablement sur le portail. On peut encore y lire « le Windsor, hôtel 4 étoiles »
Une grande surface de toit est effondrée, si bien que l’on accède du portail à l’entrée qu’en marchant sur des ardoises brisées et coupantes comme des lames finement aiguisées.
L’immense porte en chaîne massif est la seule chose restée intacte. Les pierres sont couvertes de mousse et de moisissures. Dans l’entrée, le sol est en marbre noir et blanc, défoncé, jadis majestueux. L’immense escalier central qui reliait les 5 étages entre eux s’est écroulé, ne permettant aujourd’hui accès qu’à deux étages.
Les chambres insalubres sont par nombre de 3, encore accessibles. Des matelas gisent sur le sol, la parquet risque de s’effondrer à tout moment.
La salle de bain, qui avant était luxueuse est désormais sinistrée. Les miroirs fissurés pendent sur les murs, les lavabos en fine porcelaine ne sont plus qu’amoncellement de déchets ; la baignoire d’anile arrachée trône au milieu de la pièce, laissant au mur d’innombrables fuites d’eau. Le lustre de cristal n’est plus qu’une lamentable gaine électrique qui tombe du plafond jusqu’au sol, menaçant à tout instant de fusionner avec les flaques d’eau et de provoquer une électrocution mortelle.
A chaque pas dans cet hôtel vous risquez de perdre la vie.

Une fois encore Nymphéa avait songé éveillée. Une cascade déversait des flots impétueux dans l’eau calme du petit lac. La végétation était luxuriante, comme si le monde dévasté n’avait jamais existé. La jeune femme avança dans le tapis duveteux que lui offrait l’herbe grasse, abondamment irriguée.
Un homme la regardait, du haut de la cascade. Elle se sentait inévitablement attirée vers lui. Nymphéa laissa tomber sa robe flanelle à ses pieds et pénétra entièrement nue dans l’eau cristalline du lac.
L’homme la regarda encore, puis s’avança encore plus au bord de la cascade et plongea dans le lac. Nymphéa cria de désespoir et elle aussi, se jeta dans l’eau , avec la peur constante d’y trouver un cadavre… mais l’homme sortit la tête de l’eau et lui sourit, prenant son corps nu dans ses bras puissants.
La chevelure rouge de Nymphéa flamboyait à la lueur du soleil couchant. La douce jeune femme murmura le nom de son amour. « Ian Sleepwalker »… Il l’embrassa fougueusement avant la nommer Tarja.


Je reprenais peu à peu le dessus sur mon esprit et me retrouvais assise contre la porte d’entrée de l’hôtel. Ce n’était pas la première fois que je songeais ainsi. Bien que n’ayant jamais rencontré cet homme, je voyais Ian Sleepwalker dans tous ces étranges rêves qui me surprenaient alors même que j’étais éveillée. Cet homme qui, à chaque fois me prénommait Tarja… cela n’avait aucun sens ! Des gouttes de sueur perlaient sur mon visage, et ma respiration était haletante.
Je m’allongeais sur le sol de marbre glacé de l’hôtel et m’endormit cernée par la pénombre aussi terrifiante que rassurante de l’hôtel.
Je me réveillais au petit matin et monta dans la chambre du premier étage pour entreprendre de rassembler mes affaires.
Une fois mon sac de voyage bouclé, je sortis par la porte arrière et me retrouvais dans le jardin, aujourd’hui étouffé par le lierre et les mauvaises herbes où trône une fontaine particulièrement dégradée mais où l’eau coule encore. Je me rinçai le visage et partis démarrer ma quête, en commençant par aller démancher le clan des assassins.
Le portail délabré sur mon passage et je me retrouvais dans les ruelles sombres de la ville, mon arme toujours à portée de main.

Après concertation, on décida de se réfugier à l'hôtel abandonné.
En chemin le discours fut bref. Je lui demande comment elle s’appelle :

- Yatchbot me répondit-elle.
- Oh, tu n’as pas eu droit à un nom de code comme le mien, lui dis-je.

Aucune réponse.
A mon grand étonnement elle ne me renvoya pas la question. Est-ce qu’elle se foutait de moi au point de ne pas vouloir connaître mon nom, mon identité ?
Un instant, je resta de marbre, sans dire un seul mot. Son petit jeu m'agaçait fortement.
A ce moment là, la seule chose que je souhaitais était de partir loin, très loin d’elle. Sans le savoir elle venait de me blesser.